ALBANEL POUR UNE CULTURE COMMUNE

Publié le par ricard burton

KARBHEM VILLALONGA : Madame Albanel bonjour et merci d’avoir bien voulu venir nous rejoindre après votre folle nuit cannoise. Comment avez-vous reçu la Palme d’Or pour le film Entre Les Murs ?

CHRISTINE ALBANEL : Ecoutez, j’ai trouvé cette victoire formidablement rafraîchissante. Rendez-vous compte, vingt et un an après et le film de Maurice Pialat. Je crois que cette année a vu l’éclosion formidable d’un cinéma français très fort, s’appuyant sur des bases très solides. Ce n’est pas par hasard que Laurent Cantet se trouve auréolé d’un tel succès, il a toujours été très proche et très sensible aux questions de société. Je suis très heureuse même si j’aurais vu un autre film français pour cette haute distinction.

KARBHEM VILLALONGA : Ah oui ? Lequel par exemple ?

CHRISTINE ALBANEL : Je ne sais pas car je ne l’ai pas vu. Il n’était pas présent dans la sélection officielle. Mais je peux vous dire une chose de certaine, c’est que de se faire tripoter par des petits de quinze ans durant toute une soirée, cela monte à la tête. On se sent évidemment devenir une autre femme, plus proche de son surmoi.

KARBHEM VILLALONGA : Ce film présente toutes les particularités d’un film du milieu, défendu par le Club des 13. Quelle est votre réponse à la détresse du cinéma français qui a de plus en plus de mal à trouver des financements ?

CHRISTINE ALBANEL : Comme je l’ai dit hier chez l’un de vos confrères, les vrais talents finissent par sortir. Si ces gens voulaient avoir l’assurance d’avoir du travail ou de gagner de l’argent pour ce qu’ils font, il leur fallait soit bien naître, soit faire une grande école pour se faire un carnet d’adresses. Si certains metteurs en scène ont décidé de la jouer manges merde, c’est leur problème. Vous savez à une époque où internet permet à tout le monde de faire du cinéma, je me vois mal débarquer et imposer telles ou telles choses. Si l’on regarde bien, que nous a amené le cinéma du milieu ? Il n’y a pas eu de Pulp Fiction ou de Little Miss Sunshine qui sont sortis dans nos salles françaises à ce que je sache ! Le cinéma français est un cinéma de comédies populaires, un cinéma de terroir, un cinéma de qui voit grand comme sait le faire Jean-Pierre Jeunet. Laissons le cinéma indépendant aux américains. Si après il y a des gens qui veulent s’amuser à faire des films d’art, des films un peu plus difficiles, qu’ils engagent leurs voisins, leurs épiciers, qu’ils tournent ça dans leur cage d’escalier et qu’ils mettent ça sur Youtube. Je vous dis franchement, je ne veux pas me mettre à crier au misérabilisme. Il existe des solutions pour les réalisateurs qui veulent être vus. Je ne peux décemment pas prendre chacun d’entre eux par la main pour leur expliquer ce qu’ils doivent faire. Vous savez une place dans une salle de cinéma, cela se mérite. Et moi je ne veux pas que des chefs opérateurs ou des monteurs ratés viennent me faire la morale.

KARBHEM VILLALONGA : Beaucoup vous reprochent votre manque de connaissance de votre ministère, dans son ensemble. Même si nous avons pu constater hier soir que vous aviez bien potasser votre dossier Cannes, on sent que vous n’êtes pas totalement à la hauteur du large problème posé par la Culture. La seule chose positive qui vous est reconnue étant l’écriture du discours de Jacques Chirac dans lequel il reconnaissait le rôle de la France dans la déportations des juifs.

CHRISTINE ALBANEL : J’ai écrit des pièces de théâtre aussi mon jeune ami, renseignez-vous. La culture est partie intégrante de mon quotidien depuis de nombreuses années. Je mets tout en œuvre autour de moi afin que les artistes puissent jouir de la liberté qui leur est promise. Vous ne savez pas le nombre de demandes de censures qui arrivent sur mon bureau chaque matin. Nous ne parlons jamais de cet élément mais il est très important, bien plus que les subentions. Car que voulez-vous faire si vous avez des subventions mais pas d’argent ? Concentrons-nous afin que des œuvres telles que Bienvenue Chez Les Chtis, La Vérité Si Je Mens ou 29 Palms voient le jour.

KARBHEM VILLALONGA : Sans être passéiste, ne pensez-vous pas que le niveau culturel actuel s’est appauvri ?

CHRISTINE ALBANEL : La culture de masse est toujours sujette à caution. Ceci dit je ne trouve pas plus préoccupant la Star Academy que les émissions de Patrick Sabatier. Si ce qui est proposé par la culture populaire ne vous plaît pas, si vous trouvez cela ridicule, ne regardez pas. Il y a mille autres façons de passer sa vie. Vous pouvez au choix, lire, sortir, boire.

KARBHEM VILLALONGA : Boire ? Mais cela va devenir presque impossible pour les jeunes de boire correctement si votre gouvernement se met à interdire le happy-hour. Comment les jeunes vont-ils s’amuser maintenant ? Ils sont désoeuvrés, ils ont souvent besoin d’aide et la bière par exemple est un excellent compagnon pour ceux qui n’ont pas la chance de faire du sport ou de faire leur service militaire. Petit à petit vous enlevez tout. Je sais bien que nous débordons un peu de votre cadre mais tout de même, tout ceci est bien culturel.

CHRISTINE ALBANEL : J’ai été ivre une seule fois dans ma vie. Cela ne m’a pas donné envie de recommencer. Le seule joint que j’ai fumé, m’a fait enfermer aux urgences psychiatriques durant deux semaines. Je crois Monsieur, que si nous voulons une France forte, une France composée exclusivement d’élites, il faudra passer par quelques privations. Alors on ne parle pas ici de prohibition mais d’une simple restriction visant à ne pas donner de mauvaises habitudes à nos futures têtes pensantes. Car c’est bien à eux que nous pensons. Regardez à Nantes, le happy-hour a été supprimé depuis Octobre 2007 et tout se passe formidablement bien. Les jeunes collégiens ont progressé de 27% en un peu plus de six mois, c'est stupéfiant.

KARBHEM VILLALONGA : Je ne pense pas que les patrons de bars soient en accord avec vos dires. Après l’interdiction de fumer dans les lieux publics, cela finit par achever leur clientèle. Comment expliquez-vous que ce « tout répressif » passe si bien auprès des français ?

CHRISTINE ALBANEL : Moi je pense surtout aux mères de famille qui ont perdu leur enfant suite à un happy-hour un peu trop arrosé. Le reste je vais vous dire, les patrons de cafés, ces petits manipulateurs, qui n’ont aucun scrupule à se faire quelques euros supplémentaires sur le dos de jeunes irresponsables, ces gens là peuvent fermer leur établissement, je ne m’en relèverais pas la nuit, rien à faire. Nous avons été mis en place pour prendre des mesures, faire de la France un lieu sûr et dans lequel chacun est à sa place. Nous allons continuer à mettre sur pieds tout un tas de chose. Comme par exemple un dispositif permettant à chaque employé d’être présent au travail tous les jours, même en cas de grande maladie ou de problèmes familiaux extrêmement graves. Aussi grâce à nos multiples recherches et enquêtes, nous sommes aujourd’hui en mesure de savoir quoi proposer en produits culturels aux français. Ainsi cela empêchera des dépenses et le développement d’artistes sans importance. Les français nous ont confié le pays et nous comptons bien les en remercier comme il se doigt.

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Je me disais bien que je préférais M. Toubon. C'est dire.
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