Suite à une menace, le Festival de Cannes s'arrête aujourd'hui

Publié le par ricard burton

Delon_cannes002-774384.jpgPas un seul péquenaud, pas un seul quidam, même pas un seul gay n'arpente ce matin encore la Croisette de Cannes en courant pour éliminer le trop plein de toxines emmagasinées la veille. Il y a en trop, trop d'excès de tout, cela représenterait un effort surhumain de se mettre à courir.

J'ai été au chaud cette nuit, récupéré par une veuve, une locale, qui voulait rentrer discrètement à la fête Canal. J'avais mes passes pour une fois grâce à Mouloud. Nous sommes amis depuis longtemps avec lui, nous avons grandi dans le même quartier. Nous avons volé les mêmes postes dans les mêmes voitures. Nous avons participé aux mêmes tournantes. Cela endurcit un caractère de respecter la loi du silence et surtout cela forge une amitié. Je regrette toujours cette journée de 1995 où il se fit électrocuter, il ne fut plus jamais le même. Bref une fois à l'intérieur de cette soirée, point d'orgue du Festival, ma veuve put voir de près toutes les stars du petit écran. Elle put même en toucher certains. Comme Omar et Fred, les Patrick Sébastien de la chaîne cryptée. Cette réunion de gens désespérés mit en lumière un fait incontournable: il y a plus de gens de télés et de presse à Cannes que de cinéma, malgré l'importance du marché du film où se tractent les films de demain. Imaginez en ce moment même que Lagmann met sur pieds un remake de Fantomas avec Cassel et Jean Reno dans les guenilles de De Funès, le tout sera tourné en 3D, comme Avatar ou plus précisément, comme JAWS 3. Car c'est à bien à ce cinéma de série Z qu'il faut désormais se référer puisque c'est là-dedans que l'industrie injecte la quasi-totalité de son argent: « le Choc Des Titans » – « Transformers »- « Mesrine » - « Star Trek », « 0SS117 », « Imogène »... ce qui était considéré comme du cinéma Bis ou de merde auparavant, est devenu la manne numéro une pour les investisseurs. Le dernier bon film de Tim Burton était en ce sens prémonitoire et il marquait sans nul doute la césure entre une époque de savoir-faire et une autre de devoir-faire. En mettant en scène « Ed Wood », il glorifiait la série Z, ou Zbis qui se finançait grâce à des circuits parallèles alors qu'aujourd'hui elle est devenue l'envahissante norme qui badigeonne les façades de nos cinémas. Sinon la fête Canal ? Pas grand chose, si ce n'est des morfales qui vident les buffets en moins de deux. J'ai plus faim qu'eux mais je préfère les laisser s'étriper pour attraper un bout d'olive ou un canapé rassis ayant mal voyagé depuis Paris.


Le réveil fut éminemment plus confortable que la vaille avec ma vieille rombière au-dessus de moi à faire tanguer son water-bed... grisant.


Aujourd'hui c'est disette ou ceinture. C'est le jour 8, celui de l'infini connerie. Rien à se mettre sous la dent. Je ne sais pas comment le programme a été mis sur pieds par l'équipe du Festival, peut-être estimaient-ils qu'il fallait mettre un frein à cette sélection tellement agressive, qu'un jour d'accalmie serait le bienvenu. On ne parle plus de rien là, c'est la catastrophe, ou plutôt si, il se murmure que c'est le plus mauvais Festival de Cannes depuis l'année de « La Leçon de Piano ». Le Festival ne fait plus scandale, finit les films choquant, les films que l'ont célèbre car ils ouvrent une nouvelle voie, celle du futur, d'un langage différent, jamais entendu auparavant. Il ne s'agit cette fois-ci que de vomissures d'obscénités et la totalité de la presse et des observateurs, pour s'en pourlécher. A tel point que le film qui sort du lot, à la lecture des torches fions de ce matins, est le Beauvois. Inutile de descendre un film raciste qui met l'accent facile sur les fondations d'une démagogie de cours d'assise. Le public fera lui-même le procès de cette infamie.


Pourtant, le Beauvois, n'est rien en comparaison de la migraine ophtalmique que vient de me provoquer le dernier film d'Assayas, « Carlos ». Dernier film ? Ou dernière création de série made in Canal+? Vous voyez hier je vous en parlais déjà. Canal+ a réussi l'amalgame incestueux entre le cinéma et la télévision. Canal+, usine à fabriquer des futures starlettes. Alors Assayas est un cas épineux car désagréable. Il est tout bonnement inconcevable, incompréhensible que ce réalisateur, type second couteau, arrive toujours à trouver sa place dans une sélection officielle. La faute à qui ? A un réseau bien huilé ? Un sélectionneur à la botte de Canal ? Evidemment tout ceci est politique tout comme voudrait l'être ce film d'Assayas. Petite oeuvre d'opérette voulant emprunter la voie du rock pour se donner des accents de film contestataire ou un peu branché, c'est à voir. Mais à se fourrer quelque part entre du Soderbergh sous-alimenté et du Richet sur-vitaminé, on se fourvoie et on inflige au public de Cannes sa pire heure de torture depuis la projection de « De l'Autre Côté », de Fatih Akin, petite composition prétentieuse d'une cinéaste en état de décomposition avancée.


Voilà, donc je ne suis toujours pas plus riche en cette fin de matinée, ni économiquement, ni intellectuellement, merci M. Frémaux, ni sentimentalement car je viens de recevoir un texto de ma vieille veuve me disant que notre idylle venait de prendre fin. Je m'étais pourtant attaché à elle. Il faut croire que je ne suis pas irremplaçable.

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